Qui est la plus mouvementée et ce n’est pas terminé.
En ce début d’année, rentrée au CP. Je ne m’attendais pas à le voir dans la cours en ce premier jour d’école. Il m’avait vu bien avant que je le vois. J’étais contente. Je le croiserai plus souvent et de plus près…..
Les regards ont été plus insistants et ses sourires étaient ceux d’un enfant heureux de découvrir ses cadeaux le matin de Noël.
Un jour, alors qu’on était à la même porte, à quelques centimètres l’un de l’autre, je n’ai pas lâché son regard et ai tourné la tête pour voir s’il allait se retourner en passant à côté de moi. Il n’avait pas détaché son regard non plus.
A partir de ce moment là, tout est devenu plus fort. Quand je passais devant lui, on se souriait, se fixait et je me retournais. Et on se regardait encore jusqu’à ce je ne puisse plus soutenir son regard. Puis je baissais la tête en souriant, comme une adolescente terriblement gênée.
Le 14 novembre 2014, il m’a parlé pour la première fois. Il marchait devant moi et en entendant ma fille parler de crotte de chien, il s’est retourné en souriant et a dit « rah les gosses ». On a parlé 5 minutes, de choses futiles. Il était avec son petit frère qui lui, est en CM1. En se quittant, il m’a souhaité un bon week-end en me disant « à la prochaine ».
J’étais heureuse mais je me sentais mal de passer à cette réalité. Pendant deux ans je me contentais de ses sourires et j’étais bien.
J’ai quand même décidé d’agir. Il était temps. Encore une fois, j’avais noté mon numéro sur un morceau de papier que je comptais lui donner. En croisant une copine qui connait sa mère, j’ai quand même voulu m’assurer qu’il n’avait personne. Elle ne savait pas. Elle m’a dit qu’elle allait se renseigner. Etant donné qu’elle a passé la quarantaine, je n’avais pas jugé bon de lui dire de rester discrète. J’aurais dû ne jamais rien lui dire.
Le lendemain j’ai croisé sa mère, au même passage piéton où j’ai croisé son regard à lui, la première fois. Elle m’a lancé un regard noir….. Je me disais que c’était certainement sa nature, son regard qui était ainsi.
Ma copine m’a rapporté qu’il n’a personne mais qu’il ne veut rien. Je ne comprenais pas. Il a 22 ans. La différence d’âge me gênait un peu, mais qu’importe. 3 ans, ce n’est pas la mort.
Puis un matin, alors que je le vois et qu’il me fait un énorme sourire que je lui renvoie, sa mère m’a littéralement agressée : « t’as pas bientôt fini d’emmerder mon fils?! ». Alors qu’elle aurait pu le faire avant, comme au passage piéton par exemple.
Sur le moment j’ai rigolé, en me disant que c’était une mère possessive.
Puis le lundi suivant, ma copine me dit que sa mère l’a chopée au coin de la rue en lui expliquant que son fils n’a que 18 ans et qu’une fille comme moi, plus vieille et déjà maman, ce n’est pas ce qu’elle veut pour lui. Il comptait me dire lui-même qu’il ne voulait rien. J’attends toujours…… Je me suis effondrée. 18 ans….. Il en avait donc 16, la première fois que je l’ai vu.
Il a commencé à m’ignorer. Alors je n’arrivais plus en avance à l’école pour ne plus le croiser. Puis j’ai changé de trottoir. Et j’ai mis ma fille au TPE pour ne plus le voir à la sortie des classes. Mais lui-même ne venait déjà plus.
Je l’ai croisé sans le vouloir avant les dernières vacances scolaire. Il m’a fait un petit sourire. Le sourire du gars qui s’en veut. Je l’ai regardé, et je l’ai ignoré. Je suis passée devant lui en regardant droit devant moi. ça m’avait brisé le coeur. Mais c’était trop facile pour lui.
Finalement, la semaine dernière j’ai recommencé à aller plus tôt à l’école pour le voir. Pour lui montrer que je ne faisais plus la tête. J’y suis allée deux matinées plus tôt et je l’ai vu le vendredi à 15h30. On s’est sourit, en étant gênés tous les deux.
Ma fille est tombée malade samedi. Je ne l’ai donc pas mise à l’école les lundi et mardi, cette semaine.
Mardi après-midi, j’ai voulu aller à la pharmacie et à l’épicerie. En mettant toutes les chances de mon côté de le croiser. Je suis donc parti de chez moi entre 15h20 et 15h25 pour aller à la pharmacie. ça traînait. Les pharmaciennes étaient toutes à l’écoute d’une femme qui se plaignait que son mari avait été opéré par un chirurgien qui avait bu. Et j’attendais….. Quand enfin vient mon tour, là encore je dois attendre. Puis je fini par sortir.
Il était au passage piétons. J’ai ralenti le pas pour le croiser. Il m’a souri et a tendu sa main. On s’est touché comme ça sans rien se dire, sans même s’arrêter, jusqu’à ce qu’on n’ait plus les bras assez longs. J’ai failli l’arrêter mais il était avec son petit frère. Donc, chut……. On a fait la paix. Il y avait quelque chose de réconfortant dans son regard. Comme s’il me disait « on oublie tout ».
Il a un sacré culot ! Je n’aurais jamais osé faire ça…..
J’attendais que nos échanges silencieux se remettent en place pour aller le voir et enfin, lui donner mon numéro. J’ai eu plus, bien plus que ça. Mais je suis tétanisée. Demain vendredi, c’est peut-être lui qui sera là à 15h30. Je l’espère. Mais je n’irai pas le voir. Je crois que le mieux, c’est d’attendre que ça vienne de lui. Ou peut-être que j’en demande trop. Je ne sais pas.
Je ne me sens pas bien. Physiquement et moralement. Je ne sais pas si on peut parler de coup de foudre. De coup de coeur, ça c’est sûr. Mais depuis ce jour où j’ai croisé son regard au passage piétons, je pense à lui. Tous les jours…..
Je ne connais même pas son prénom……